- Attitudes : homme & féministe ?Il faut reconnaître que c'est un "sport" où l'homme n'est pas en pointe (voire maladroit)
Quelques préalables
Avant de pouvoir aborder quoi que ce soit, avant même de parler des femmes, pour faciliter l'exercice et de le rendre le plus pertinent possible, on invite les hommes auxquels on s'adresse à s'assurer d'avoir bien intégré quelques caractéristiques essentielles à nos yeux (sans quoi l’exercice risque d'être un peu vain, voire extrêmement difficile).
Ancrés & bien dans leurs baskets
Pour se lancer dans les discussions autour du féminisme, les hommes seront mieux disposés s’ils se sentent ancrés, s’ils ne sont pas déstabilisés par la première brise, par des idées contraires. Enracinés dans des valeurs, avec des croyances qu’ils ont pris le temps de démonter, nettoyer, remonter.
Au départ d’un bon ancrage, c’est sans doute plus simple d’avoir une attitude saine et une vision où le monde ne nous doit pas quelque chose, où les autres ne sont pas par défaut nos ennemis.
Quelqu'un qui est encore en guerre contre son histoire, sa famille, la planète ; quelqu’un qui souffre déjà d’un manque béant de quelque chose, ou d’un sentiment de victime d’une injustice, quelqu’un qui croit que c’est “faire aveu de faiblesse” ou “renoncer à son statut de mâle” aura sans doute du mal à faire une place digne aux combats du féminisme.
Ouverts
Quand on est ancré et bien dans ses baskets, il faut encore avoir l’ouverture d’esprit, la curiosité de s’intéresser à l’autre, avoir un véritable intérêt pour la rencontre de la différence.
Une fois que vous pouvez cocher ces préalables, vous pourrez mieux vous engager sur le chemin d’une meilleure compréhension de la place des femmes, et des enjeux du féminisme.
Avec quelques recommandations pour faire les premiers pas :
Recommandations
1. La fermer
J'avais d’abord mis comme premier point « écouter ». Mais la plupart des gens ne savent pas écouter vraiment. Et c’est encore plus vrai pour les hommes. Et encore davantage quand il s’agit d’écouter les femmes.
Donc messieurs : il faut savoir *la fermer*. Ne pas interrompre. . Ne pas vouloir « rebondir sur ce que tu viens de dire ». Même si c’est pour « amener une solution ». Non.
De temps en temps : Shut. It. Up. And Listen.
L'homme est pré-programmé par son évolution, son éducation, à vouloir prendre la parole, au premier déclic. A avoir été généralement valorisé pour sa ‘vivacité’ à bondir dans une discussion. Donc il a pris ce pli de tout expliquer avec son regard d’homme (c’est le piège du “mansplaining”). Pour une fois, on apprend à la fermer…
2. Ecouter activement
Aaaah l'art délicat de l'écoute. Qui commence par la capacité à la fermer (voir point ci-dessus).
Ecouter, c'est déjà : regarder la personne que l'on écoute (on dépose son smartphone, on éteint la télé, on cesse le regard perdu partout ailleurs).
Ecouter les mots, certes, et aussi (surtout) ce que la voix, le corps, les comportements et autres attitudes de l'interlocutrice nous disent. lAu besoin, rephraser, pour vérifier si l’on a bien compris.
Ne pas juger. Surtout ne pas juger, ne pas appliquer une grille, étiquette ou autre projection personnelle (généralement toute faite, qui est en fait l’absence d’une réflexion).
Dans le meilleur des mondes vous savez naturellement qui écouter puisque elle partage peut-être votre lit, la même machine à café du bureau ou elle vous a mis au monde et vous invite à manger tous les dimanche midi…
Mais sinon, vous pouvez commencer par aller écouter sur les réseaux sociaux, les commentaires sur des posts et groupes féministes (rappel point 1 : résistez à l’envie de sauter à pieds joints pour donner votre avis).
Ou par exemple, allez regarder un hashtag, comme #MonPostPartum sur Twitter, où des centaines de femmes partagent le vécu de leur accouchement et de ses suites. Je vous assure que c’est aussi poignant (avec quasi autant de sang) que les 20 premières minutes de « Saving Private Ryan » (sauf qu’on parle de vie plutôt que de mort).
3. Faire preuve d’empathie
Vous êtes toujours avec moi, les gars ? Attention, on prend de la hauteur, l’air se raréfie… A présent, il s’agit de pouvoir faire preuve d’empathie. Pas juste avoir entendu les mots, sans que ça n’ait rien imprimé chez vous.
Pour l’empathie, il s’agit de faire une expérience extra-corporelle : sortir de vous-mêmes, en laissant armures et préjugés, faire quelques pas dans le froid, et aller vous mettre dans les souliers (à talons hauts ou non) de la personne en face, et imaginer de l’intérieur, le ressenti.
Note : on peut tenter l’expérience, mais c’est à peu près impossible de réaliser ce que donnent des années de conditionnement, sur une quantité d’attitudes que les hommes ne réalisent même pas.
Juste un exemple parmi cent : ne pas oser regarder un homme plus de 4 secondes, au risque de lui laisser croire qu’on l’allume ou qu’il nous plaît...
On peut regarder cette remarquable vidéo "Be a Lady", qui compile les dizaines d'injonctions (parfois contradictoires) auxquelles sont soumises les femmes depuis l'enfance...4. Changer son regard
Cette étape est un vrai déclic, mais n’est possible que si on est passé par les étapes précédentes. Quand on change son regard, quand on apprend à regarder (très partiellement et imparfaitement) les choses avec un regard de femme, on ne sait plus revenir en arrière. On comprend pourquoi on peut craindre de traverser certains quartiers la nuit, on est choqué lorsqu’on voit sur scène un panel #AllMalePanel (où il n’y a que des hommes), ou l’on réalise que nombre de nos infrastructures ne sont pas adaptées aux femmes (un métro, p.ex., n’est pas vécu du tout de la même façon par un homme ou par une femme).
5. (enfin) Parler & agir
Ces prises de conscience n’ont d’utilité que si elles sont suivies, peu ou prou, par des changements de comportement. On n’a d’ailleurs pas encore parlé du fond, des innombrables chantiers du féminisme (on trouvera une première liste de liens ici). Comme ils sont nombreux, on a l’embarras du choix. On peut s’impliquer selon une variété de niveaux d’engagement :
simplement écouter, renforcer, partager des paroles féministes (un simple ‘like’ ou ‘share’ sur Facebook) ;
- ne plus accepter de participer à des #AllMalePanels ; refuser tant qu’il n’y a pas au moins une femme sur scène ;
- dénoncer, dans l’entreprise, dans la société, les injustices flagrantes ;
- choisir peut-être un combat particulier.